ADP a repensé son offre de services aux voyageurs autour d’une nouvelle marque, Extime. Caroline Blanchet, directrice marketing du groupe, explique la signification de cette innovation inscrite dans l’art de vivre et de recevoir.

Aéroports de Paris a lancé l’année dernière la marque Extime dédiée à l’hospitalité. Dans quel contexte est née cette nouvelle offre?

Caroline Blanchet : Cette création de marque est venue d’une réflexion qui a démarré avant même le covid. À l’aéroport, des études en sociologie et en psychologie l’ont montré, les passagers vivent deux moments. La première phase avant les contrôles est assez angoissante, on se demande si on va être au bon endroit, à l’heure, avec tous ses papiers, si l’on n’aura pas d’excédent de bagages… Et c’est encore plus stressant pour les familles avec enfants, les personnes âgées ou à mobilité réduite.

Lors de la deuxième phase, après les contrôles de sécurité et la douane, le pic de stress retombe, on se sent au bon endroit, en sécurité, voire un peu euphorique. C’est à ce moment-là que l’on peut créer une expérience passager. En moyenne, dans un aéroport, on passe 2 heures en salle d’embarquement. C’est le début du voyage, il faut que ce soit un enchantement.

“On souhaite que le voyage soit une fête”

Quelle est la signification du nom Extime?

C.B : Il renvoie à un mot anglais d’origine française, conceptualisé par Lacan : l’extimité, qui s’oppose à l’intimité. C’est la capacité à dévoiler votre intimité. Il signifie aussi « extraordinary time » ou « extra time ». Il fallait un nom anglais qui parle à toutes les communautés. C’est un cocon hors du temps : pendant deux heures, vous allez vivre une expérience extraordinaire. Peut-être voyagera-t-on moins à l’avenir  mais le voyage restera une fête.

Quelle est votre vision de l’hospitalité?

C.B : C’est d’abord une expérience de design. Nous sommes convaincus que lorsque vous entrez dans des lieux auxquels vous ne vous attendiez pas, cela reste imprimé dans votre souvenir. Certains passagers en transit vers d’autres destinations ne verront que cela de Paris. Il faut leur proposer une image de la capitale, sans rester sur les clichés du Moulin Rouge ou de la Tour Eiffel.

Nous avons travaillé avec des designers dans l’hôtellerie et la restauration, comme Dorothée Meilichzon pour le terminal 2G ou Hugo Toro et Maxime Liautard pour le T1. Nous avons passé beaucoup de temps avec eux à observer les comportements des voyageurs en salles d’embarquement. Certains sont très stressés et s’assoient juste devant la porte d’embarquement : il leur faut des assises droites. D’autres au contraire s’affalent dans les fauteuils : il leur faut des assises enveloppantes. On ne peut plus proposer le même type de siège pour tout le monde.

Et au niveau des commerces?

C.B : À l’aéroport, on a le temps de faire du shopping, de ramener des souvenirs à la maison. On a créé une collection de « boutique-terminaux » comme des boutique-hôtels : non standardisés, avec une personnalité, et spécifiques à la clientèle de chaque terminal. Sur le T1 destiné aux vols internationaux, on trouve les grandes maisons de luxe françaises, des caves de grands crus, des caves à cigares, un bistro signé Alain Ducasse, mais aussi McDonald’s, Paul et Starbucks pour les passagers qui veulent une restauration rapide. Dans les terminaux dédiés aux vols courts et moyens courriers, on va trouver une offre lifestyle avec Lacoste ou Longchamp, une brasserie opérée par le chef Michel Roth…Nous avons également mis l’accent sur le divertissement avec des consoles PS5 et une agora pour visionner les grands événements sportifs.

Vous accueillez le monde entier dans vos aéroports. Comment s’adapter à toutes les cultures?

C.B : Cela passe par la diversité de l’offre. Les Américains sont sensibles à la restauration car ils adorent prendre un dernier verre ou un dernier croissant avant de décoller. Les Chinois voyagent beaucoup en groupe et n’aiment pas être séparés, nous devons donc prévoir des lieux où l’on puisse être regroupé.

Nous avons formé des maîtres de maison qui incarnent l’esprit du lieu : ils ne se contentent pas d’orienter les passagers, ils créent une relation avec eux, viennent à leur rencontre, proposent des services. Comme dans les grands restaurants, la qualité ne suffit pas, il faut une dimension d’hospitalité. Face à un passager agité, on sait qu’il faut le laisser parler pour évacuer son angoisse et que quelques mots suffisent à dégonfler le stress. À Paris, on est à très bonne école, on est la référence mondiale sur le savoir accueillir avec les plus grandes écoles hôtelières.

 


Propos recueillis par Pascale Caussat